Laurent de Villiers: Une Résistance Hors du Commun


Ma famille m’a tourné le dos depuis deux ans que mon frère aîné m’a écrit une lettre, dont j’ai parlé sur ce blogue - c’était là sa troisième lettre sur le même sujet, - lettre où il triturait les faits, et me demandait pardon pour une histoire d’inceste qu’il a réécrite au préalable, pour en faire, croyait-il, une authentique insignifiance, qu’il a préméditée comme le seul récit crédible, avec lequel il pourrait vivre les « dernières » années de sa vie. Personne pour m’écrire, pour s’intéresser à ce que j’ai pu vivre, s’interroger sur mon silence, sur mon refus de répondre à mon frère, d’accepter sa version des faits et de pardonner. Refuser le pardon, c’est toujours perdant. Mon frère aîné le savait bien, il pouvait compter que je ne pardonnerais pas, pas au vu de sa lettre et au récit méprisant qu’il faisait des pratiques incestueuses qu’il avouait, c’était évident; implorant mon pardon, il manipulait tout le monde, tous les lecteurs des nombreuses copies conformes qu’il avait faites de sa lettre. C’était aux autres, en fait, femme, sœur aînée, neveu, nièce, d’autres encore, que s’adressait sa lettre: je n’ai rien fait de grave, Richard n’était qu’un bébé, il avait trois ans, peut-être quatre, il ne peut pas avoir été marqué par quelques coups de langue purement anecdotiques… Je n’ai rien pardonné du tout. C’est lui qu’ils ont cru. Je reste seul avec les confidences que mon frère m’a faites, verbalement, en tête-à-tête, et que je ne peux raconter ici sans risquer des poursuites criminelles pour ce que je n’ai pourtant qu’entendu…; je suis seul avec l’histoire de ma longue, très longue démarche thérapeutique pour sauver ma vie; et je suis seul avec ma jeune sœur, avec qui je forme une petite famille reconstituée. Mais nous, nous savons, et c’est ensemble, d’ailleurs, que la vérité s’est dite pour la première fois, une vérité qui s’est par la suite longuement et lourdement exprimée par la souffrance, la terreur et l’isolement, la dévastation de l’inconscient, l’impression de la folie complète, la phobie d’impulsion et de liberté, la crainte horrifiée des êtres humains, de leurs regards, de leurs intentions, et de leur vengeance monstrueuse s’il s’avérait que je me révèle… Mon frère, mon père, surtout, ont longtemps erré dans ma tête, m’ont terrorisé, m’ont excité. J’ai eu honte. J’ai encore honte. Je souffre encore du trouble de la parole - « ça s’entend », me disait Péraldi. Et il m’arrive encore d’avoir besoin de me cacher.